La bella vita a Venezia

Venise, la belle, la charmante, la romantique, l’artistique, la masquée, sa réputation dépasse les légendes.
J’arrive le soir, un soir de printemps, le soleil est encore à la lisière de l’horizon quand j’arrive sur le ponte degli Scalzi qui traverse le Grand Canal. Le soleil dans les yeux, la foule bruyante autour de moi, je suis émerveillée. C’est donc ça. Je comprends. Je comprends pourquoi mon père y a été plus de douze fois et en parle toujours avec autant d’engouement. Il m’a dit : « ça va te plaire ».

 Santa Croce & San Polo

J’étais dans un tout petit appartement au nord-est de Santa Croce, un quartier calme et intime, où s’entrelacent ruelles et rii (rio au singulier, qui signifie petit canal). À la fin d’une ruelle, si on ne tombe pas sur un rio, on tombe sur un campo (petite place), très souvent avec une église. La magie opère à certaines heures de la journée, quand on se retrouve seul, perdu dans les ruelles, et qu’on arrive sur un campo. Calme olympien et beauté solennelle. Parfois, il y a un café, investi par les habitants du quartier qui discutent pendant que leurs enfants jouent sur la place.
C’est à peu près tout ça à la fois que j’ai ressenti le premier matin de mon arrivée, quand je suis partie explorer le quartier. Après avoir zigzagué plusieurs ruelles étroites, j’ai débouché sur le campo San Zan Degolà, le soleil réveillait doucement cette petite place et m’offrait un spectacle inimitable. Sur cette place trône l’église San Zan Degolà, une des plus anciennes églises de Venise.

J’ai ensuite suivi mon chemin jusqu’à la Ca’ Pesaro, en passant par le campo San Stae qui borde le Grand Canal, avec son église du même nom. La Ca’ Pesaro est un ancien palais du XVIIème siècle, sa façade baroque donnant sur le Grand Canal est l’une des plus belles de Venise.
« Ca’ » c’est en fait l’abréviation pour « casa ». Ces palais servaient de siège social et d’habitation, toutes les riches familles de Venise en possédaient un sur le Grand Canal. Leurs façades étaient les plus travaillées, elles montraient, depuis le canal, le goût, la fortune et l’importance de la famille qui vivait là. Les entrées qui donnent sur la rue sont généralement beaucoup moins décorées voire pas du tout, parfois coincées dans une ruelle et mêlées aux autres édifices. L’entrée de la Ca’ Pesaro se fait par une petite cour, presque tout aussi superbe que sa façade.
C’est maintenant un musée d’art moderne qui renferme de nombreuses œuvres du XIXème et du XXème siècle. La visite est étonnante, on admire des œuvres de Matisse, Kandinsky, Max Ernst, le penseur de Rodin dans l’architecture encore bien dessinée du palais, qui est à elle seule une œuvre d’art. Quelle surprise de voir aussi les installations, sculptures, peintures et photographies issues de la Sonnabend Collection, Andy Warhol, Robert Rauschenberg, Roy Lichtenstein dans un palais vénitien du XVIIème siècle ça vaut le détour ! 
Ces palais sont difficiles à entretenir, la plupart sont occupés par l’administration ou sont rachetées par des fondations. C’est un patrimoine qui n’a pas de prix.

À l’intérieur du palais le temps s’arrête, je suis transportée dans un autre monde, sans voir que dehors, la vie continue et la matinée s’écoule vite.
En revenant sur mes pas, un peu plus au sud, je suis arrivée sur le campo San Giacomo dell’Orio. Cette place de village des plus charmantes est très animée les week-ends. En milieu de journée et en soirée, les habitués y viennent manger ou déguster un prosecco artisanal sur la terrasse d’Al Prosecco.

Encore plus au sud, le quartier de San Polo. C’était le cœur marchand de la République vénitienne, où le célèbre marché du Rialto est toujours très bouillonnant.
Il faut y venir le jour du marché aux poissons et se laisser guider dans les allées. Quand c’est la saison, les vendeurs de fruits et légumes remplissent leurs étals des fameux petits artichauts violets, produits de Sant’Erasmo, le poumon maraîcher de la lagune.
Plus loin, le majestueux pont du Rialto enjambe le Grand Canal. Mon passage préféré sur le pont est de loin celui très tôt le matin, quand les premiers rayons du soleil nous initient aux couleurs des façades des palais et de la lagune. Après la traversée, on se retrouve propulsé dans un tout autre décor et dans une toute autre ambiance, celle du quartier de San Marco.

San Marco, le fastueux

Foulé et immortalisé par des millions de visiteurs, San Marco c’est le cœur de Venise, c’est là que tout a commencé, c’est l’Histoire qui a traversé les temps et qui vient jusqu’à nous, c’est du splendide, du spectaculaire, le reflet de la noblesse et la force de Venise. Enchanteur à l’aube et envoûtant la nuit.
C’était dimanche, aux alentours de 7h30 du matin quand j’ai débouché d’une ruelle sur la place San Marco. À partir de là, l’effet est spectaculaire. La piazzetta San Marco je la préfère à sa grande sœur ; bordée par le Palazzo Ducale d’un côté, avec sa vue sur l’isola San Giorgio Maggiore et son entrée gardée par les deux emblèmes de la ville.

Ensuite, à l’heure où les premières vagues de touristes débarquent, j’ai pris le vaporetto jusqu’à l’Isola San Giorgio Maggiore. Cette petite île contrôlait à l’époque les bateaux qui rentraient et sortaient de Venise. L’église du même nom, baignée de lumière, offre par sa porte ouverte une vue unique sur Venise. En haut du campanile, le vent dans les cheveux, on contemple la vue imprenable sur le Palazzo Ducale, la Punta della Dogana et l’île de la Giudecca.

Castello

Dans le prolongement de San Marco, le quartier du Castello est un des plus authentiques de Venise, si l’on pousse jusqu’au bout de la queue du poisson et que l’on vient se perdre sur les campi paisibles et dans les Giardini Pubblici. On aperçoit le linge aux fenêtres, un petit marché de quartier, des mamies et des papis à l’ombre des terrasses des cafés de la via Garibaldi, la rue la plus large de Venise.
Une après-midi, j’ai suivi la foule le long de la riva degli Schiavoni, très fréquentée aux beaux jours, ambiance promenade balnéaire. Et puis, plus on avance vers les Giardini Pubblici, plus la foule s’estompe, on croise quelques vénitiens qui se baladent et des touristes amoureux qui profitent d’un peu de verdure et d’air marin.
Au bout de la via Garibaldi, je me suis retrouvée à longer un rio qui débouche sur un pont en bois menant à l’isola San Pietro. Une île dans une île, jolie, tranquille, qui rappelle l’ancien village de pêcheurs.

Dorsoduro

C’est sans nul doute un de mes quartiers préférés. Lorsqu’on arrive par San Polo, il y a une continuité de ruelles et de petits campi mais déjà les rii s’élargissent et donnent la place à des promenades sur leurs bords. Ses voies bordant les canaux sont appelées fondamenta.
En descendant, on tombe sur le campo San Barnaba, un campo typique de Venise, plein de charme, le long d’un rio, avec une église et un marché flottant. Je continue encore à descendre, vers le campo San Trovaso, une petite place surélevée avec son église qui fait face à un rio et son petit jardin attenant. Avec les rayons déjà chauds du soleil de printemps, j’apprécie de déguster une fameuse glace artisanale à la pistache de chez Lo Squero, à l’ombre de l’église. La balade continue ensuite le long de la rive, on passe devant un squero, un atelier typique de fabrication et réparation de gondoles.

Puis, bercée par le soleil et ses ombres de l’après-midi, je longe les zattere jusqu’à la Punta della Dogana. Cette promenade paisible le long de la rive donnant face à l’île de la Giudecca est des plus agréables. Au bout du bout, assise au bord de l’eau, je contemple la Giudecca, San Marco et le Grand Canal, à la fin de la journée, le coucher de soleil offre un superbe panorama.

Cannaregio

Ce quartier est l’un des plus typiques de Venise, où habitent bon nombre de vénitiens. Authentique, animé et tranquille, il offre différents visages que je ne me lasse pas de découvrir.
Le nord de Cannaregio se caractérise par 3 rii parallèles, chacun bordés par une fondamenta. Il fait bon s’y promener, surtout le week-end quand les habitants du quartier viennent se balader en bateau.
Quand je suis arrivée à l’église della Madonna dell’Orto bordant la fondamenta du même nom, c’était le milieu de l’après-midi, le soleil tapait, le calme régnait, il y avait du linge aux fenêtres, parfois un matou, depuis le petit pont en face, de jolies couleurs chaudes se reflétaient dans le rio. Je suis restée là, assise sur le pont à l’ombre contemplant la vue sereinement.
En soirée, les habitués remplissent bars et osterie, sur la fondamenta delle Cappucine j’ai pris un spritz et des cicchetti maison tout au bord du rio, dans l’Osteria Bea Vita, en me délectant du coucher de soleil et je n’ai pas résisté à déguster leur plat de linguine aux fruits de mer, selon la pêche du jour !

Un doux matin, toujours à Cannaregio, sur la rive Nord du Grand Canal, j’ai commencé la journée dans la Ca’ d’Oro, l’un des plus beaux palais gothiques de Venise. Son entrée côté rue ne paye pas de mine, mais sa façade côté Grand Canal est sublime. L’intérieur du palais est tout aussi superbe, je regarde en l’air, sur les côtés les murs, le sol entièrement pavé avec des pièces de marbre… Aménagé en galerie d’art, on trouve dans les étages plusieurs pièces qui abritent des chefs d’œuvre. Le petit truc en plus, ce sont les terrasses qui offrent des vues inédites sur le Grand Canal, le marché du Rialto et les toits de Venise.

Tout droit vers le Nord, je me suis arrêtée à l’église dei Gesuiti, riche en sublimissimes ouvrages d’architecture, riche en superbes marqueteries de marbre, riche en peintures et en fresques, notamment de Titien, de Palma Le Jeune, des angelots, dorures et pierres précieuses, et dehors, surplombant la façade, les statues des douze apôtres. On en prend plein les mirettes. Ce qui vient contraster avec la petite placette de village tranquille sur laquelle l’église a été construite. À la sortie de l’église, à droite, on arrive sur Fondamenta Nove. Encore à droite, l’activité de la station de vaporetto du même nom attire beaucoup de monde se rendant dans les îles du Nord, alors, en opposition j’ai pris à gauche. J’arrive tout au bout du quai, l’animation a totalement disparu, il reste une vue inégalable sur les cyprès de l’isola San Michele et un petit bout de vie vénitienne.

Les îles du Nord

Isola San Michele

L’Isola San Michele abrite en fait un cimetière datant de l’époque Napoléonienne. Dès la sortie du bateau, je suis frappée par le silence, pesant et immortel, qui invite au recueillement. Le calme qui y règne, les rayons du soleil qui caressent les tombes et les allées du cimetière, les cyprès majestueux font de ce cimetière un lieu solennellement unique. Au fond du cimetière, on aperçoit à travers les grilles Venise et son agitation en face. On se sent alors comme emprisonné et isolé, mais paisible.
C’est un endroit à voir absolument, dans le respect.

Murano et Burano

Aller sur les îles de la lagune, voilà qui donne envie. Quelques minutes en bateau suffisent pour arriver à Murano, très tôt le matin ou plus tard le soir, on évite les masses de touristes et on apprécie la personnalité de cette île où s’est installée l’industrie verrière à la fin du XIIIème siècle.
Burano un peu plus loin est beaucoup plus petite et a fait sa célébrité de par ses petites maisons de pêcheurs colorées.

Je suis partie très tôt le matin et je me suis arrêtée par Mazzorbo, une petite île qui borde Burano. La promenade le long du quai est très plaisante, d’un côté le canal, de l’autre des jardins. Au bout, il y a un pont qui arrive dans Burano. Arriver avant les touristes c’est aussi voir l’île autrement, c’est se laisser séduire par son authenticité et se mêler à la vie des habitants, qui se pressent le matin avant l’arrivée des touristes. Pleine d’attraits et de couleurs, se perdre dans ses quelques ruelles est très plaisant.
Et puis est arrivée l’heure de déjeuner, mais voilà qu’en rejoignant les rues principales de Burano je me suis retrouvée happée par des flux de touristes investissant les tables.
 Je suis alors retournée sur Mazzorbo, je suis passée par un jardin maraîcher que je n’avais pas vu à l’aller, choux, artichauts, herbes, vignes et puis au fond une bâtisse en pierre. Je ne sais pas si ce fut le destin mais c’était en réalité un restaurant « Venissa ». Ici on mange local, on goûte des produits frais et insolites cuisinés comme il faut et avec élégance. C’était bon.
Venise, je reviendrai.

 

Crédits photo : Aurélie Lenne


Toutes les photos ont été prises avec un iphone.

mai 26, 2018 — Aurélie Lenne
Tags : City guide

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